Visite guidée du patrimoine Bauhaus de Tel Aviv
La majorité des immeubles les plus remarquables construits dans le style Bauhaus sont concentrés dans les environs de l’avenue Rothschild, mais d’autres témoins historiques de ce courant architectural se dressent encore dans différentes parties de la ville. Par exemple, sur la place Dizengoff et dans les rues adjacentes sont regroupées plusieurs constructions Bauhaus intéressantes, qu’on peut découvrir au cours d’un circuit d’à peine deux heures de ballade à un rythme tranquille.
En partant de la place Dizengoff, marchez vers le nord en direction de la rue Frishman et là, au numéro 33, descendez les escaliers qui conduisent à un portail. Il vous suffira de le pousser (il n’est pas fermé à clé) pour pénétrer dans un petit jardin public cerné d’immeubles. Alors que la plupart des commandes Bauhaus étaient destinées à des logements privés et une minorité à des institutions publiques, ce complexe d’appartements a été commandé par le parti politique dirigeant Mapaï, le précurseur de l’actuel parti Travailliste en Israël, qui destinait les logements à ses fidèles. L’égalité était alors une notion clé dans les cercles socialistes et conformément à ce principe, tous les appartements étaient construits exactement à l’identique. Le rez-de-chaussée abritait le jardin d’enfants, la laverie, des épiceries et d’autres lieux publics, et c’est là seulement qu’on trouve une différence dans l’agencement des étages, avec des portes vitrées le long des couloirs.
Revenez sur la rue Dizengoff et prenez à droite, puis à gauche dans la rue Esther et continuez tout droit. Tout au bout, tournez à droite puis ensuite à gauche dans la rue Yaël et arrêtez-vous face aux numéros 6 et 8. Remarquez les contours rectilignes et les angles droits, la disposition asymétrique des façades, avec à chaque étage un balcon d’un côté et une fenêtre de l’autre. Cette asymétrie est caractéristique du style, comme si elle proclamait : « Nous faisons quelque chose de nouveau ». Prêtez aussi attention aux balcons : à l’origine, ils étaient conçus pour rester ouverts, et ce n’est que plus tardivement que les propriétaires des appartements les ont cloisonnés.
De l’autre côté de la rue, au numéro 3, vous remarquerez un immeuble à la construction plus élaborée que beaucoup d’autres. Il a été dessiné par un architecte renommé du Bauhaus, Oskar Kaufman, qui a aussi conçu les plans d’origine du théâtre national d’Israël, Habima. Remarquez l’entrée arrondie, qui fait songer à une scène de théâtre, ainsi que les deux arbres qui projettent leur ombre sur la façade, plantés là pour servir de décoration à un édifice par ailleurs assez austère.
Au numéro 5 de la rue Yaël, au coin de la rue Shlomo Hameleh, remarquez la cage d’escalier de l’immeuble dont les fenêtres horizontales laissent entrer l’air et la lumière, et les barres similaires des balustrades métalliques des balcons, elles aussi conçues pour rafraichir les intérieurs en été. Les carreaux de céramiques qui décorent la porte d’entrée présentent aussi un élément de décoration intéressant. Un certain nombre d’immeubles de cette période portent des carreaux semblables, a priori « non-fonctionnels ». Ils ont été amenés à Tel Aviv par les immigrants qui fuyaient l’Allemagne nazie : ils n’étaient pas autorisés à sortir de l’argent du pays mais ils pouvaient emporter des matériaux. Tournez le coin pour voir le balcon du deuxième étage de l’immeuble : un « pare-soleil » en béton est suspendu au-dessus du balcon.
Retraversez la rue Yaël et continuez sur la rue Shlomo Hameleh jusqu’au numéro 18, de l’autre côté de la rue. Ici se dressait autrefois un immeuble Bauhaus, et celui qui a été construit à sa place bien des années plus tard reprend les lignes caractéristiques du style. Les différences restent néanmoins assez évidentes.
Le toit plat qui couvre l’immeuble du 20 de la rue Shlomo Hameleh est représentatif de la fonctionnalité chère aux architectes du Bauhaus. Le toit en copropriété servait à la fois de surface d’étendage pour la lessive et de terrasse pour les soirées en plein air. Là encore, remarquez la balustrade ajourée du balcon du deuxième étage, un détail conçu pour laisser pénétrer la lumière.
À l’intersection des rues Shlomo Hameleh et Zamenhof, les deux immeubles des numéros 12 et 14 sont agrémentés d’angles arrondis. C’était souvent le cas dans les immeubles de style Bauhaus qui s’élevaient aux coins des rues, afin de redéfinir le paysage urbain par des lignes architecturales plus douces. Au numéro 12, remarquez aussi les balcons longs et étroits, un type de construction qui a été rendu possible grâce à l’introduction des châssis en béton armé à la fin des années trente du XXe siècle.
L’immeuble arrondi au 11 de la rue Shlomo Hameleh, au coin de la rue Tel Haï, a été planifié pour ressembler à un navire, symbole du modernisme pour les architectes de l’époque car les vaisseaux jetaient un pont entre les pays. Remarquez aussi les longs balcons surnommés « Mendelsohn », du nom de l’architecte du Bauhaus Erich Mendelsohn, et l’espace arrondi qu’ils créent en intérieur. Au moment de leur construction, ces immeubles étaient considérés comme moins fonctionnels et cela leur attirait de nombreuses critiques.
Marchez jusqu’à la fin de la rue Tel Haï et tournez à droite pour voir au coin de la rue Bar Kohva, au numéro 58, un toit bien particulier. Sa pergola n’est absolument pas fonctionnelle. Elle reflète la tentative du Bauhaus d’intégrer les formes plus douces du mouvement cubiste.
Retournez sur Zamenhof et prenez à droite en direction de la place Dizengoff. Il y a quelques dizaines d’années, c’était là que se trouvait le cœur de la ville. La place subit actuellement une cure de rajeunissement. Les immeubles qui l’entouraient avaient tous été construits dans le style Bauhaus et on peut encore admirer l’ancien bâtiment d’un cinéma, devenu depuis l’hôtel Cinéma. Remarquez, là encore, les ajours des pare-soleil.
Traversez la place en direction du complexe cinématographique Rav Hen (aussi un immeuble Bauhaus), longez un bloc d’immeubles en direction de la rue Frug et tournez à droite pour dépasser la station d’essence, jusqu’à atteindre le numéro 5. Vous avez devant vous « l’immeuble thermomètre », ainsi surnommé en raison de l’élément décoratif de sa façade, d’étroites plaques de béton le long de la cage d’escalier, qui laissent passer l’air et la lumière mais bloquent les rayons du soleil.
Continuez sur Frug, traversez la rue Frishman et arrêtez-vous aux numéros 32 et 34, repérables grâce au style d’origine de leurs balcons ouverts. À l’inverse de nombreux bâtiments Bauhaus, ceux-ci ont été rénovés avec des matériaux d’époque. Dans ses efforts pour encourager la rénovation des trésors du Bauhaus, entreprise compliquée par le fait que la plupart d’entre eux sont détenus en copropriété, la municipalité de Tel Aviv a décidé il y a quelques années d’autoriser la surélévation des immeubles par l’addition d’étages. Le produit de la vente de la surface du toit par les copropriétaires est destiné à couvrir les frais de rénovation de l’immeuble. Notez qu’ici les deux niveaux rajoutés à chacun de ces immeubles de trois étages ne sont pas visibles de la façade, si bien qu’ils ne déparent en rien les lignes Bauhaus d’origine.
Continuez sur la rue Frug et tournez à droite dans la rue Gordon, le centre des galeries d’art de Tel Aviv. En moins de dix minutes de marche, vous rejoindrez la promenade Lahat et le bord de mer.